Les 2 réacteurs de l’entreprise du 21ème siècle : Autonomie & Coopération

Les 2 réacteurs de l’entreprise du 21ème siècle : Autonomie & Coopération

L’autonomie et la coopération sont les 2 moteurs d’une structure organique, 2 compétences clefs devenues indispensables pour la plupart des organisations qui veulent évoluer dans notre XXIème siècle :
L’autonomie permet de gérer les aléas dans notre environnement peu prévisible et turbulent. La solution n’est plus garantie par un processus, un standard, puisqu’il s’agit d’un événement imprévu, mais par la capacité à retrouver des marges de manœuvre, à faire face à l’émergence de nouvelles contraintes. L’autonomie ne consiste pas « de faire ce qu’on veut » pour rassurer les managers qui craignent que l’autonomie soit une liberté donnée avec aucun cadre d’action.
La coopération favorise les synergies du type « 1+1=3 ». Elle permet de faire face aux situations complexes dans lesquelles s’entremêlent des contraintes ou des objectifs paradoxales, dans lesquelles la solution n’existe pas à priori et doit être élaborer en associant les compétences. Cette coopération permet d’assembler des regards et des perceptions différentes pour mieux « embrasser » la réalité et sa systémie, au lieu de la fragmenter. Quand 2 personnes (ou 2 services) coopèrent réellement, ce n’est pas seulement une transmission d’informations de l’une vers l’autre. C’est un assemblage de compétences et d’intelligence au service d’un objectif commun avec une relation circulaire : L’un dépend de l’autre et réciproquement. Ce qui permet d’entrer dans la complexité et la systémie de la situation, c’est la mise en œuvre d’un mode de fonctionnement lui-même systémique.

L’autonomie et la coopération sont nécessaires au développement et à la pleine expression de la logique organique qui seule permet de faire face à des situations évolutives, peu prédictibles, et complexes. Mais ces deux notions, sont-elles complémentaires ou antagonistes ? Comment les relier ?

Des notions antagonistes
La coopération est souvent perçue comme limitant l’autonomie, et inversement !
Le fait de coopérer peut vous demander de faire des compromis sur la manière de travailler, sur l’organisation de votre agenda et de votre travail, sur la priorisation de vos activités. En coopérant, vous acceptez ou vous subissez les contraintes des autres.
A l’inverse, pour accroître votre autonomie et faire face à vos propres contraintes, peut-être serez-vous freiner à coopérer, à composer avec les autres et à prendre en compte un ensemble de contraintes qui dépasse votre seul périmètre.

Dans les entreprises, la plupart des managers ou des dirigeants sont en attente de plus d’autonomie chez leurs collaborateurs. Prenons conscience qu’il peut s’agir d’une demande paradoxale de ces managers, coincés entre deux envies :
• D’une part, celle d’avoir des collaborateurs appliqués dans le respect des consignes et dociles face aux demandes et divers objectifs.
• D’autre part, celle de voir leurs collaborateurs capables de prendre des décisions seules, de questionner, et d’être force de proposition d’idées nouvelles.

Côté « coopération », des méconnaissances existent sur cette notion de coopération : il est assez rare d’avoir une demande d’accroître la coopération entre les équipes ou entre les membres d’une équipe. La plupart du temps, il s’agit de demande pour « résoudre des conflits » et le fait d’avoir « une bonne ambiance » suffit à justifier que tout le monde coopère. Mais ce n’est pas cela la coopération.

Un autre regard : des notions complémentaires
Prenons un exemple concret : Si un acheteur, très entreprenant et très compétent, réduit au maximum ses coûts d’achat sans prendre en compte la qualité des composants, alors la qualité et la productivité se dégradent en production. L’autonomie, a elle-tout seule, ne peut apporter une réponse optimale : C’est parce que chacun peut agir par lui-même sur l’environnement, sur une situation, que des marges de manœuvres collectives émergent ou se réduisent.
A l’inverse, si cet acheteur et le responsable qualité coopèrent, arrivent à joindre leurs objectifs et leurs contraintes, ils trouveront des réponses optimales. L’autonomie de chacun peut s’accroître si l’ajustement à l’ensemble des contraintes se fait en fonctionnant collectivement, ces contraintes étant liées les unes aux autres. On comprend ici que la performance globale est autre chose que la somme des performances individuelles.

En vérité, ces 2 notions sont plus que complémentaires, elles sont même indissociables l’une de l’autre : accroître l’autonomie exige d’accroître la coopération, et réciproquement, dans ce monde complexe et évolutif.

Pourquoi ?

L’interdépendance : le trait d’union entre autonomie et coopération
Nola Katherine Symor définit quatre stades d’autonomie : la dépendance, la contre-dépendance, l’indépendance et l’interdépendance. Ces 4 stades lui permettent de qualifier le développement d’une personne : l’enfant dépend de ses parents ; l’adolescent se construit contre eux ; le jeune adulte pense n’avoir besoin de personne ; enfin, la personne accomplie est capable d’être dans la relation à l’autre tout en restant elle-même, de s’enrichir des autres tout en les nourrissant en retour.

Cette grille de lecture permet de dépasser le paradoxe seulement apparent entre l’autonomie et la coopération :
1. Deux personnes (ou 2 entités) sont au stade de la dépendance quand l’une dépend complètement de l’autre. Ceci se produit quand une personne est en position de « commande », soit par ses compétences, soit par son « pouvoir ». A l’inverse, l’autre personne est en situation de complète dépendance vis-à-vis d’elle. Non seulement cette situation nuit à l’autonomie de la 2ème personne, mais, en plus, rien n’incite à priori la première à coopérer puisque celle-ci ne dépend de personne.
2. Le stade de la contre-dépendance caractérise la relation de deux personnes en opposition, amenant généralement des situations stériles et de la tension latente ou apparente.
3. Le stade de l’indépendance caractérise la relation de deux personnes qui peuvent travailler chacune dans leur coin sans avoir besoin de collaborer. Chacun peut agir dans son côté, et c’est efficace si la situation ne nécessite pas de se mettre d’accord ou de faire des compromis. Mais ces situations d’indépendance, qui ne favorisent pas la coopération, peuvent être coûteuses : absence de mutualisation de moyens, absence d’ajustement coordonnée si un imprévu survient, absence d’accord sur la priorité des affaires …etc. La non coopération a un prix. Celui-ci ne ressort pas forcément sur le bilan comptable, mais il est réel.
4. Enfin, le stade de l’interdépendance est assimilable à un « jeu à somme non nulle » : en coopérant, les deux entités augmentent leur autonomie respective et, au total, créent de la valeur ajoutée. C’est à ce stade, et à ce stade seulement, qu’autonomie et coopération ne sont plus antagonistes, mais complémentaires.

Le fait de trouver une complémentarité ne fait pas pour autant disparaître l’antagonisme. Deux personnes peuvent très bien atteindre le stade de l’interdépendance (complémentarité) sur un sujet et être, en même temps, à celui de la contre-dépendance (antagonisme) sur un autre. Les stades d’autonomie ne s’excluent pas les uns les autres. Par ailleurs, les évolutions ne sont pas seulement linéaires : il y a des progressions, mais aussi des régressions. Dans une même période, il y a un fort risque de laisser paraître des contradictions, et donc le besoin de faire de la régulation. Entre autonomie et coopération, les équilibres sont donc toujours précaires. Il est sage de se préparer à remettre constamment l’ouvrage sur le métier.

Mais l’autonomie et la coopération ne dépendent pas seulement de la bonne volonté des personnes ou de leur compétences. Pourquoi ?

La dimension organisationnelle de l’autonomie et de la coopération
Hersey et Blanchard caractérisent le niveau d’autonomie d’une personne à partir de son degré de compétence et de motivation. Plus la compétence et la motivation sont fortes, plus l’autonomie est importante. Ils oublient qu’au savoir-faire et au vouloir-faire, il faut ajouter le pouvoir-faire. Sans délégation par exemple, un collaborateur, même très compétent et extrêmement motivé, aura beaucoup de difficulté à prendre les décisions lui permettant de résoudre les problèmes auxquels il est confronté sans avoir à en référer à qui de droit. L’autonomie n’est pas seulement individuelle. Elle est aussi, et surtout, organisationnelle.

Dans une prochaine clef de décryptage, NEOVANCE vous proposera d’approfondir ce point en faisant le lien entre autonomie/coopération et les types de leadership et d’organisation.

Sylvain ZANNI