De l’intérêt particulier à l’intérêt collectif

De l’intérêt particulier à l’intérêt collectif

Il est 7h30, ce 19 janvier 2018. Je rejoins mes collègues consultants, coachs et des personnes institutionnelles. Nous allons animer toute la matinée une rencontre avec plusieurs dirigeants et RRH engagées dans une même démarche qui se nomme ELENCE : concilier la performance économique et le bien-être au travail. Autrement dit, conduire autrement des évolutions organisationnelles et des transitions culturelles/managériales en mettant l’Humain au cœur de la Performance Globale. Comment ? En permettant à ces entreprises de créer des nouveaux espaces de dialogues sur le travail et permettre ainsi aux acteurs d’entreprise de ré-inventer les modes de fonctionnement, de coopérer dans une démarche apprenante, excluant l’idée d’une mode universel, privilégiant plutôt la création de sa propre solution. Un changement de paradigme pour nombre d’entreprises et d’acteurs.

C’est la première rencontre entre ces représentants de 7 entreprises qui débutent la démarche. Le démarrage est prévu à 9h00
Entre 8h00 et 8h45, avant l’arrivée des personnes invitées, nous prenons le temps de nous connecter entre nous et de nous redire le sens de la matinée, en repartageant également les séquences, en se répartissant à la dernière minute le lancement des séquences. L’enjeu est très important. Ces entreprises n’ont pas grand-chose en commun, et chacune est engagée dans cette démarche pour des raisons qui lui sont propres. Pourtant, une des spécificités de l’approche d’ELENCE, est non seulement de favoriser la coopération dans l’entreprise, mais également entre les entreprises : oui, la démarche apprenante peut se faire entre les entreprises, l’expérience de l’une pouvant servir l’autre, le mode de pensée d’un dirigeant pouvant inspirer un autre, la relation DG-RH d’une entité pouvant induire des évolutions chez les autres binômes.

Cette première rencontre est donc déterminante et la tâche n’est pas simple : comment gérer le fait que 2 des entreprises sont concurrentes et voisines, comment convaincre ces responsables de l’intérêt de coopérer entre eux, comment leur permettre de s’approprier cet espace tout le long de l’année. Ce dernier point est essentiel car nous, les consultants-coachs-institutionnels – ne voulons pas prendre les commandes de cet espace : nous nous mettons dans le « bocal » avec eux, car l’expérience ELENCE est apprenante pour tous, y compris dans les modes d’accompagnement de ces entreprises. Pourtant, nous sommes à l’initiative et avons une intention qu’il va falloir expliquer : comment convaincre, sans chercher à convaincre, mais en donnant envie ? En leur faisant vivre ce matin cette expérience pour toucher du doigt ce qu’elle comporte comme intérêt. La vivre, sans expliquer avec trop de mots abstraits.

Nous avons construit la matinée en 3 temps, à vivre avec 20 personnes disposées en cercle, sans vidéo-projecteur.

Séquence 1 : Le sens de la démarche ELENCE.
Nous leur demandons de former 2 équipes, celle des dirigeants, celle des RH, pour répondre à la question : Quelle sont vos expériences et vos réflexions sur la performance globale (efficacité et bien-être) ? Que cherchez vous en vous engageant dans cette démarche, que ce soit par rapport à l’entreprise, à votre fonction, et vous en tant que personne ?
De notre côté, les consultants-coachs-institutions formons un 3ème groupe pour partager nos expériences depuis le début du programme.
Les 2 groupes s’animent, et on sent depuis notre propre groupe que les discussions entre dirigeants d’une part, et entre RH d’autre part sont actives, à la fois passionnées, avec aussi de l’humour.
La restitution révèle ensuite un point commun entre les 2 groupes : chaque groupe dit avoir commencé leur discussion sur des aspects classiques : matériel, conditions de travail, horaires, hygiène…
Puis les 2 groupes ont cheminé sur des aspects plus complexes :
– comment concilier les aspirations individuelles et les objectifs d’entreprise ? Le sens que donne la personne à son travail est une clef de motivation et donc de bien-être & d’efficacité.
– Le monde change très rapidement : comment conduire les évolutions de la bonne manière ?
– Les systèmes UAP (auto-organisé) : est-ce possible de partout ? faut-il une « maturité » ?
Avec notre intention de questionner le sens donné par ces personnes à participer à ELENCE, il ressort des questions de sens dans l’entreprise ! La première séquence a rapproché les participants sur les mêmes enjeux humains et questionnements pour y répondre : un intérêt commun est entrain de se construire, une première étape nécessaire pour construire un collectif.

Séquence 2 : L’engagement
A ce stade, nous expliquons en quelques minutes l’intention donnée à constituer ce groupe, de façon plus précise que les quelques mots données en introduction : faire du ELENCE dans ce groupe, autrement dit, créer un espace de partage d’expériences et d’entraide (un espace apprenant) pour tirer profit du collectif. Comment ? En inventant ici même notre fonctionnement, nos activités, et les ajuster au fur et à mesure ! Servir ainsi le développement des entreprises et des personnes ici présentes dans l’esprit d’ELENCE.

Mais comment s’approprier cette proposition et permettre leur expression sur leur engagement ? Nous proposons de nouveau un espace de dialogue autour de 2 groupes mixant les entreprises et les fonctions, mais en invitant dirigeants et RRH d’une même entreprise à se séparer. Les accompagnateurs forment un 3ème groupe.
Une triple question est posée : quels bénéfices/intérêts à créer cette espace ? Quelles craintes et risques ? Quelles questions soulevées par cette proposition ?

Cette mise en réflexion permet l’appropriation et l’enrichissement de la proposition. Avec seulement 15 mn de réflexion et cette mise en dialogue collective, le retour est riche et même émouvant. Voici seulement 3 points pour illustrer :
– les représentants des 2 entreprises concurrentes posent leur crainte et leur intérêt d’être là ensemble, tout en affirmant au groupe qu’ils ne peuvent tirer que des bénéfices à partager leurs réflexions.
– L’exigence d’efficacité avec une discussion qui s’ouvre sur la notion d’efficacité : ce n’est pas seulement produire, c’est aussi être inspirée par les expériences des autres et pouvoir repartir avec des options supplémentaires, des idées différentes, d’être bousculé dans ses représentations.
– Des questionnements sur la durée des futurs rencontres : est-ce suffisant d’avoir seulement 2 heures ?

Alors, au moment de la question sur leur décision de s’engager, la réponse est devenue une évidence et de façon explicite les participants ont répondu positivement, soulignant même l’intérêt de réunir ensemble les fonctions dirigeants-RH.

La 3ème séquence : Organiser et anticiper
La parole est devenue libre et facile. Le temps nous manquant, nous lançons 2 simples questions à tout le groupe :
– Sur quoi voulez-vous travaillez ?
– De quelle manière, quel fonctionnement ?

30 mn plus tard, malgré la taille du groupe et grâce aux échanges précédents qui ont permis de converger, les réponses sont claires :
– chaque séance sera préparée par une équipe composée de 2 accompagnateurs et 2 personnes d’entreprises : 2 d’entreprises personnes se portent volontaires.
– 2 entreprises proposent de témoigner de leur expérience à la prochaine séance

Une dernière séquence permet de « déclure » en permettant à chaque participant d’exprimer son impression sur la matinée : une expression plus « tripale » que mentale, ils ont vécu une expérience différentes.

Nous avons pu créer les conditions leur permettant de construire collectivement, de débattre tout en se frayant par eux-mêmes un chemin de convergence, et de décider de leur engagement. Et surtout de vivre entre nous tous une séance « ELENCE ». Nous avons pu permettre à ce groupe de cheminer par lui-même d’un intérêt particulier vers un intérêt partagé et collectif.

Janvier 2018